FRAD063-058 Monique TOYE LABORIE (contributeur), item 7

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(a la) mémoire de mon camarade Théordore Lefebvre et des Territoriaux
de Lille, tombés glorieusement au Fagnez, le 3 Septembre 1914
Page 5

Qui credit in me, etiam si mortuus fuerit vivet....
I
Le repos du soir s'achève dans
la salle à manger d'une ancienne maison de la rue
Royale à Lille. Un grand lustre au gaz sert seul à éclairer
la vaste pièce, et sa lumière crue, tombant
d'aplomb sur la nappe blanche, laisse les autres objets
dans une pénombre mystérieuse. Un feu de bois languit
sur des chenêts en cuivre ciselé.
Autour de la table, une aïeule à cheveux blancs
sourit doucement à un garçonnet de huit ans, très
occupé à taquiner sa petite blondinette de sœur pendant
que, juché sur sa chaise haute, un bébé bat des menottes
et gazouille tout son plaisir. La mère, jeune encore, ne prête
aucune attention à ce qui l'environne. D'un œil morne, sans
voix, elle fixe le feu qui s'éteint.
Un éclat de rire plus bruyant la tire brusquement
de sa méditation...."Oh Jean ! Comment peux-tu....?"
Et l'enfant, rendu soudain sérieux par la douloureuse mélancolie de l'accent, se précipite dans les
bras de la jeune femme : "Ne sois donc plus triste, petite mère. Aujourd'hui passe petit Noël. Tu verras,
il nous ramènera Papa. Voilà ce qui me rend heureux ce soir".
La grand'mère et la bru échangèrent un triste regard. Mais Jean parait si convaincu, que
toutes deux refoulent les larmes qui leur montent aux yeux et lui sourient.
A ce moment entre une femme de charge qui prend les enfants pour les mener coucher. Mais
avant de sortir, le bébé coule ses bras autour du cou de sa mère et lui zézaie calinement " Jean l'a dit, petit Papa va venir !"
Et les pleurs qu'elle retenait à grand'peine coulent à flots des yeux d'Henriette Martin
pendant qu'elle serre contre elle le petit être qui ne connaît pas son Père.

II
L'ange du sommeil veille sur la nursery. Grand'mère s'est retirée chez elle. Henriette
jette machinalement du bois sur le feu, se laisse tomber dans un fauteuil et reprend sa rêverie.
Elle se revoit dix ans plus tôt, par un radieux soleil de mai, tout émue dans sa blanche
robe d'épousée, sur le seuil de l'église de Prémesque, royalement parée pour la circonstance, fière de
se serrer contre le bras de Pierre Martin, son mari pour la vie.
Oh ! La belle existence à deux, sans heurts, sans désaccords, peines et joies partagées par deux
cœurs qui se comprennent ! Le Ciel bénissait leur union. Un soir d'hiver, encore meurtrie de la dure
épreuve, mais rayonnant du mystère de cette jeune vie sortie de ses flancs, elle plaçait dans les bras de
son Pierre le petit Jean, leur premier-né, l'héritier d'une longue lignée d'honnêtes gens. Deux
ans après, Thérèse venait cimenter à nouveau leur union toujours sans nuages.
Et leur dernier Noël au foyer ! La fête se terminait au milieu des gambades des enfants. Henriette

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(a la) mémoire de mon camarade Théordore Lefebvre et des Territoriaux
de Lille, tombés glorieusement au Fagnez, le 3 Septembre 1914
Page 5

Qui credit in me, etiam si mortuus fuerit vivet....
I
Le repos du soir s'achève dans
la salle à manger d'une ancienne maison de la rue
Royale à Lille. Un grand lustre au gaz sert seul à éclairer
la vaste pièce, et sa lumière crue, tombant
d'aplomb sur la nappe blanche, laisse les autres objets
dans une pénombre mystérieuse. Un feu de bois languit
sur des chenêts en cuivre ciselé.
Autour de la table, une aïeule à cheveux blancs
sourit doucement à un garçonnet de huit ans, très
occupé à taquiner sa petite blondinette de sœur pendant
que, juché sur sa chaise haute, un bébé bat des menottes
et gazouille tout son plaisir. La mère, jeune encore, ne prête
aucune attention à ce qui l'environne. D'un œil morne, sans
voix, elle fixe le feu qui s'éteint.
Un éclat de rire plus bruyant la tire brusquement
de sa méditation...."Oh Jean ! Comment peux-tu....?"
Et l'enfant, rendu soudain sérieux par la douloureuse mélancolie de l'accent, se précipite dans les
bras de la jeune femme : "Ne sois donc plus triste, petite mère. Aujourd'hui passe petit Noël. Tu verras,
il nous ramènera Papa. Voilà ce qui me rend heureux ce soir".
La grand'mère et la bru échangèrent un triste regard. Mais Jean parait si convaincu, que
toutes deux refoulent les larmes qui leur montent aux yeux et lui sourient.
A ce moment entre une femme de charge qui prend les enfants pour les mener coucher. Mais
avant de sortir, le bébé coule ses bras autour du cou de sa mère et lui zézaie calinement " Jean l'a dit, petit Papa va venir !"
Et les pleurs qu'elle retenait à grand'peine coulent à flots des yeux d'Henriette Martin
pendant qu'elle serre contre elle le petit être qui ne connaît pas son Père.

II
L'ange du sommeil veille sur la nursery. Grand'mère s'est retirée chez elle. Henriette
jette machinalement du bois sur le feu, se laisse tomber dans un fauteuil et reprend sa rêverie.
Elle se revoit dix ans plus tôt, par un radieux soleil de mai, tout émue dans sa blanche
robe d'épousée, sur le seuil de l'église de Prémesque, royalement parée pour la circonstance, fière de
se serrer contre le bras de Pierre Martin, son mari pour la vie.
Oh ! La belle existence à deux, sans heurts, sans désaccords, peines et joies partagées par deux
cœurs qui se comprennent ! Le Ciel bénissait leur union. Un soir d'hiver, encore meurtrie de la dure
épreuve, mais rayonnant du mystère de cette jeune vie sortie de ses flancs, elle plaçait dans les bras de
son Pierre le petit Jean, leur premier-né, l'héritier d'une longue lignée d'honnêtes gens. Deux
ans après, Thérèse venait cimenter à nouveau leur union toujours sans nuages.
Et leur dernier Noël au foyer ! La fête se terminait au milieu des gambades des enfants. Henriette


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  • January 7, 2017 17:32:08 David Gadiou (FR)

    (a la) mémoire de mon camarade Théordore Lefebvre et des Territoriaux
    de Lille, tombés glorieusement au Fagnez, le 3 Septembre 1914
    Page 5

    Qui credit in me, etiam si mortuus fuerit vivet....
    I
    Le repos du soir s'achève dans
    la salle à manger d'une ancienne maison de la rue
    Royale à Lille. Un grand lustre au gaz sert seul à éclairer
    la vaste pièce, et sa lumière crue, tombant
    d'aplomb sur la nappe blanche, laisse les autres objets
    dans une pénombre mystérieuse. Un feu de bois languit
    sur des chenêts en cuivre ciselé.
    Autour de la table, une aïeule à cheveux blancs
    sourit doucement à un garçonnet de huit ans, très
    occupé à taquiner sa petite blondinette de sœur pendant
    que, juché sur sa chaise haute, un bébé bat des menottes
    et gazouille tout son plaisir. La mère, jeune encore, ne prête
    aucune attention à ce qui l'environne. D'un œil morne, sans
    voix, elle fixe le feu qui s'éteint.
    Un éclat de rire plus bruyant la tire brusquement
    de sa méditation...."Oh Jean ! Comment peux-tu....?"
    Et l'enfant, rendu soudain sérieux par la douloureuse mélancolie de l'accent, se précipite dans les
    bras de la jeune femme : "Ne sois donc plus triste, petite mère. Aujourd'hui passe petit Noël. Tu verras,
    il nous ramènera Papa. Voilà ce qui me rend heureux ce soir".
    La grand'mère et la bru échangèrent un triste regard. Mais Jean parait si convaincu, que
    toutes deux refoulent les larmes qui leur montent aux yeux et lui sourient.
    A ce moment entre une femme de charge qui prend les enfants pour les mener coucher. Mais
    avant de sortir, le bébé coule ses bras autour du cou de sa mère et lui zézaie calinement " Jean l'a dit, petit Papa va venir !"
    Et les pleurs qu'elle retenait à grand'peine coulent à flots des yeux d'Henriette Martin
    pendant qu'elle serre contre elle le petit être qui ne connaît pas son Père.

    II
    L'ange du sommeil veille sur la nursery. Grand'mère s'est retirée chez elle. Henriette
    jette machinalement du bois sur le feu, se laisse tomber dans un fauteuil et reprend sa rêverie.
    Elle se revoit dix ans plus tôt, par un radieux soleil de mai, tout émue dans sa blanche
    robe d'épousée, sur le seuil de l'église de Prémesque, royalement parée pour la circonstance, fière de
    se serrer contre le bras de Pierre Martin, son mari pour la vie.
    Oh ! La belle existence à deux, sans heurts, sans désaccords, peines et joies partagées par deux
    cœurs qui se comprennent ! Le Ciel bénissait leur union. Un soir d'hiver, encore meurtrie de la dure
    épreuve, mais rayonnant du mystère de cette jeune vie sortie de ses flancs, elle plaçait dans les bras de
    son Pierre le petit Jean, leur premier-né, l'héritier d'une longue lignée d'honnêtes gens. Deux
    ans après, Thérèse venait cimenter à nouveau leur union toujours sans nuages.
    Et leur dernier Noël au foyer ! La fête se terminait au milieu des gambades des enfants. Henriette

  • December 20, 2016 19:18:03 David Gadiou (FR)

    (a la) mémoire de mon camarade Théordore Lefebvre et des Territoriaux
    de Lille, tombés glorieusement au Fagnez, le 3 Septembre 1914
    Page 5

    Qui credit in me, etiam si mortuus fuerit vivet....
    I
    Le repos du soir s'achève dans
    la salle à manger d'une ancienne maison de la rue
    Royale à Lille. Un grand lustre au gaz sert seul à éclairer
    la vaste pièce, et sa lumière crue, tombant
    d'aplomb sur la nappe blanche, laisse les autres objets
    dans une pénombre mystérieuse. Un feu de bois languit
    sur des chenêts en cuivre ciselé.
    Autour de la table, une aïeule à cheveux blancs
    sourit doucement à un garçonnet de huit ans, très
    occupé à taquiner sa petite blondinette de sœur pendant
    que, juché sur sa chaise haute, un bébé bat des menottes
    et gazouille tout son plaisir. La mère, jeune encore, ne prête
    aucune attention à ce qui l'environne. D'un œil morne, sans
    voix, elle fixe le feu qui s'éteint.
    Un éclat de rire plus bruyant la tire brusquement
    de sa méditation...."Oh Jean ! Comment peux-tu....?"
    Et l'enfant, rendu soudain sérieux par la douloureuse mélancolie de l'accent, se précipite dans les
    bras de la jeune femme : "Ne sois donc plus triste, petite mère. Aujourd'hui passe petit Noël. Tu verras,
    il nous ramènera Papa. Voilà ce qui me rend heureux ce soir".
    La grand'mère et la bru échangèrent un triste regard. Mais Jean parait si convaincu, que
    toutes deux refoulent les larmes qui leur montent aux yeux et lui sourient.
    A ce moment entre une femme de charge qui prend les enfants pour les mener coucher. Mais
    avant de sortir, le bébé coule ses bras autour du cou de sa mère et lui zézaie calinement " Jean l'a dit, petit Papa va venir !"
    Et les pleurs qu'elle retenait à grand'peine coulent à flots des yeux d'Henriette Martin
    pendant qu'elle serre contre elle le petit être qui ne connaît pas son Père.

    II
    L'ange du sommeil veille sur la nursery. Grand'mère s'est retirée chez elle. Henriette
    jette machinalement du bois sur le feu, se laisse tomber dans un fauteuil et reprend sa rêverie.
    Elle se revoit dix ans plus tôt, par un radieux soleil de mai, tout émue dans sa blanche
    robe d'épousée, sur le seuil de l'église de Prémesque, royalement parée pour la circonstance, fière de
    se serrer contre le bras de Pierre Martin, son mari pour la vie.
    Oh ! La belle existence à deux, sans heurts, sans désaccords, peines et joies partagées par deux
    cœurs qui se comprennent ! Le Ciel bénissait leur union. Un soir d'hiver, encore meurtrie de la dure
    épreuve, mais rayonnant du mystère de cette jeune vie sortie de ses flancs, elle plaçait dans les bras de
    son Pierre le petit Jean, leur premier-né, l'héritier d'une longue lignée d'honnêtes gens. Deux
    ans après, Thérèse venait cimenter à nouveau leur union toujours sans nuages.
    Et leur dernier Noël au foyer ! La fête se terminait au milieu des gambades des enfants. Henriette


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19416 / 221961
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http://europeana1914-1918.eu/...
Contributor
Monique TOYE LABORIE
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http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/


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