Deux semaines de guerre, une vie à boiter, un talent mécanique., item 8
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(...) militaires ne voulaient pas avouer qu'ils avaient totalement
méconnu un principe de Napoléon essentiel : " A la
guerre, le moral est au physique comme trois est à un",
et que le réconfort des soldats avait été le dernier de leur
souci. L'opinion publique était d'ailleurs entretenue dans
l'idée que le poilu souriait sous les obus...
Cinquante-cinq exécutions
Les mutineries commencèrent à Mourmelon, le 29
avril, alors que le 20e d'infanterie devait remonter au
front après un très bref repos. 300 hommes s'égaillèrent
dans les bois. Douze furent condamnés aussitôt à mort
(mais aucun exécuté). Rapidement, le mouvement fit
boule de neige et la moitié des grandes unités connut
des grèves des bras croisés de plus ou moins grande
envergure. Au total, il n'y eut cependant que 30 à 40.000
mutins officiels (plus ceux pour qui les choses se
tassèrent sans bruit) sur trois millions d'hommes présents
sur le front. Poincaré s'affola, mais Pétain, qui avait pris
l'armée en main, le rassura.
L'une des mutineries les plus exemplaires fut celle
du 18e d'infanterie, un régiment de Basques et de
Landais, habiles à lancer la grenade comme ils l'étaient
pour lancer la pelote. Le 4 mai, ils avaient enlevé les ruines
de Craonne, perdant 20 officiers, 824 soldats,
ramenant 500 blessés. On leur octroya 600 citations et
des permissions dont finalement ne bénéficièrent que la
moitié d'entre eux, ce qui rendit furieux les autres.
Le 27 mai, à Villers-sur-Fère, le 18e arrosa la
Pentecôte et son départ le soir même. Entre deux
bouteilles, une rumeur courut : le régiment allait être
renvoyé pour reprendre les tranchées qu'il avait prises
trois semaines plus tôt et que d'autres avaient perdues.
Du coup, ce fut le ras-le-bol, avec cortège, pétarades,
cris, chants révolutionnaires. Le soir, cependant, l'ivresse
tombée, deux des trois bataillons partirent. Seul le
deuxième refusa jusqu'à l'arrivée des gendarmes à
5 heures. Finalement, soixante "durs" restèrent et se
dirigèrent vers Fère-en-Tardenois dans l'intention de
prendre un train... pour Paris. A 7h30, ils comprirent
que leur idée ne menait à rien et acceptèrent de partir
pour le front.
Le 7 juin, 17 soldats et deux caporaux passèrent en
conseil de guerre. Cinq furent condamnés à mort, un
gracié par Poincaré. Trois seulement furent fusillés, le
quatrième (Vincent Moulia) s'évada.
D'une façon générale, il n'y eut pas, comme on le
raconta, de régiments "décimés", ni d'exécutions massives.
Il y eut 412 condamnations à mort. 7 furent
exécutées immédiatement. Toutes les autres furent transformées
par Poincaré en travaux forcés, sauf 48. Au total,
55 morts réels.
Le fantassin Pétain jeta sans hésitation aux orties la
sanglante conception de la "percée de l'infanterie",
chère à Foch, Joffre et Nivelle, commanda massivement
des chars et des canons à l'industrie et, ne retenant pas
le bobard de la sédition politique, traita ses soldats
comme le personnel d'une usine revendiquant de meilleurs
conditions de travail. Soupe, permissions, cantonnements,
trains furent radicalement améliorés et, dès le
4 août, pratiquement les mutineries et le ras-le-bol
étaient terminés. Mais l'affaire allait exciter les passions
pendant un demi-siècle et plus...
J.B.
J. B.
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(...) militaires ne voulaient pas avouer qu'ils avaient totalement méconnu un principe de Napoléon essentiel : " A la guerre, le moral est au physique comme trois est à un", et que le réconfort des soldats avait été le dernier de leur souci. L'opinion publique était d'ailleurs entretenue dans l'idée que le poilu souriait sous les obus...
Cinquante-cinq exécutions
Les mutineries commencèrent à Mourmelon, le 29 avril, alors que le 20e d'infanterie devait remonter au front après un très bref repos. 300 hommes s'égaillèrent dans les bois. Douze furent condamnés aussitôt à mort (mais aucun exécuté). Rapidement, le mouvement fit boule de neige et la moitié des grandes unités connut des grèves des bras croisés de plus ou moins grande envergure. Au total, il n'y eut cependant que 30 à 40.000 mutins officiels (plus ceux pour qui les choses se tassèrent sans bruit) sur trois millions d'hommes présents sur le front. Poincaré s'affola, mais Pétain, qui avait pris l'armée en main, le rassura.
L'une des mutineries les plus exemplaires dut celle du 18e d'infanterie, un régiment de Basques et de Landais, habiles à lancer la grenade comme ils l'étaient pour lancer la pelote. Le 4 mai, ils avaient enlevé les ruines de Craonne, perdant 20 officiers, 824 soldats, ramenant 500 blessés. On leur octroya 600 citations et des permissions dont finalement ne bénéficièrent que la moitié d'entre eux, ce qui rendit furieux les autres.
Le 27 mai, à Villers-sur-Fère, le 18e arrosa la Pentecôte et son départ le soir même. Entre deux bouteilles, une rumeur courut : le régiment allait être renvoyé pour reprendre les tranchées qu'il avait prises trois semaines plus tôt et que d'autres avaient perdues. Du coup, ce fut le ras-le-bol, avec cortège, pétarades, cris, chants révolutionnaires. Le soir, cependant, l'ivresse tombée, deux des trois bataillons partirent. Seul le deuxième refusa jusqu'à l'arrivée des gendarmes à 5 heures. Finalement, soixante "durs" restèrent et se dirigèrent vers Fère-en-Tardenois dans l'intention de prendre un train... pour Paris. A 7h30, ils comprirent que leur idée ne menait à rien et acceptèrent de partir pour le front.
Le 7 juin, 17 soldats et deux caporaux passèrent en conseil de guerre. Cinq furent condamnés à mort, un gracié par Poincaré. Trois seulement furent fusillés, le quatrième (Vincent Moulia) s'évada.
D'une façon générale, il n'y eut pas, comme on le raconta, de régiments "décimés", ni d'exécutions massives. Il y eut 412 condamnations à mort. 7 furent exécutées immédiatement. Toutes les autres furent transformées par Poincaré en travaux forcés, sauf 48. Au total, 55 morts réels.
Le fantassin Pétain jeta sans hésitation aux orties la sanglante conception de la "percée de l'infanterie", chère à Foch, Joffre et Nivelle, commanda massivement des chars et des canons à l'industrie et, ne retenant pas le bobard de la sédition politique, traita ses soldats comme le personnel d'une usine revendiquant de meilleurs conditions de travail. Soupe, permissions, cantonnements, trains furent radicalement améliorés et, dès le 4 août, pratiquement les mutineries et le ras-le-bol étaient terminés. Mais l'affaire allait exciter les passions pendant un demi-siècle et plus...
J. B.
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(...) militaires ne voulaient pas avouer qu'ils avaient totalement méconnu un principe de Napoléon essentiel : " A la guerre, le moral est au physique comme trois est à un", et que le réconfort des soldats avait été le dernier de leur souci. L'opinion publique était d'ailleurs entretenue dans l'idée que le poilu souriait sous les obus...
Cinquante-cinq exécutions
Les mutineries commencèrent à Mourmelon, le 29 avril, alors que le 20e d'infanterie devait remonter au front après un très bref repos. 300 hommes s'égaillèrent dans les bois. Douze furent condamnés aussitôt à mort (mais aucun exécuté). Rapidement, le mouvement fit boule de neige et la moitié des grandes unités connut des grèves des bras croisés de plus ou moins grande envergure. Au total, il n'y eut cependant que 30 à 40.000 mutins officiels (plus ceux pour qui les choses se tassèrent sans bruit) sur trois millions d'hommes présents sur le front. Poincaré s'affola, mais Pétain, qui avait pris l'armée en main, le rassura.
L'une des mutineries les plus exemplaires dut celle du 18e d'infanterie, un régiment de Basques et de Landais, habiles à lancer la grenade comme ils l'étaient pour lancer la pelote. Le 4 mai, ils avaient enlevé les ruines de Craonne, perdant 20 officiers, 824 soldats, ramenant 500 blessés. On leur octroya 600 citations et des permissions dont finalement ne bénéficièrent que la moitié d'entre eux, ce qui rendit furieux les autres.
Le 27 mai, à Villers-sur-Fère, le 18e arrosa la Pentecôte et son départ le soir même. Entre deux bouteilles, une rumeur courut : le régiment allait être renvoyé pour reprendre les tranchées qu'il avait prises trois semaines plus tôt et que d'autres avaient perdues. Du coup, ce fut le ras-le-bol, avec cortège, pétarades, cris, chants révolutionnaires. Le soir, cependant, l'ivresse tombée, deux des trois bataillons partirent. Seul le deuxième refusa jusqu'à l'arrivée des gendarmes à 5 heures. Finalement, soixante "durs" restèrent et se dirigèrent vers Fère-en-Tardenois dans l'intention de prendre un train... pour Paris. A 7h30, ils comprirent que leur idée ne menait à rien et acceptèrent de partir pour le front.
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- 20162 / 231025
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- Valentin Moulin
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It is impossible to go further in the transcription, as the image is to high up given the length of the text…