Extrait du journal du soldat Albéric Bru, Janvier 1915
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« Cher papa,
Dans la lettre que j’ai écrite à maman, je lui disais tout notre bonheur à nous retrouver « nous-mêmes » après s’être vus, si peu de chose… à la merci d’un morceau de métal !… Pense donc que se retrouver ainsi à la vie, c’est presque de la folie : être des heures sans entendre un sifflement d’obus au-dessus de sa tête… Pouvoir s’étendre tout son long, sur de la paille même… Avoir de l’eau propre à boire après s’être vus, comme des fauves, une dizaine autour d’un trou d’obus à nous disputer un quart d’eau croupie, vaseuse et sale, pouvoir manger quelque chose de chaud à sa suffisance, quelque chose où il n’y a pas de terre dedans, quand encore nous avions quelque chose à manger…
Pouvoir se débarbouiller, pouvoir se déchausser, pouvoir dire bonjour à ceux qui restent… Comprends-tu, tout ce bonheur d’un coup, c’est trop. J’ai été une journée complètement abruti. Naturellement toute relève se fait de nuit, alors comprends aussi cette impression d’avoir quitté un ancien petit bois où il ne reste pas un arbre vivant, pas un arbre qui ait encore trois branches, et le matin suivant après deux ou trois heures de repos tout enfiévré voir soudain une rangée de marronniers tout verts, pleins de vie, pleins de sève, voir enfin quelque chose qui crée au lieu de voir quelque chose qui détruit !
Pense que de chaque côté des lignes, sur une largeur d’un kilomètre, il ne reste pas un brin de verdure ; mais une terre grise de poudre, sans cesse retournée par les obus : des blocs de pierre cassés, émiettés, des troncs déchiquetés, des débris de maçonnerie qui laissent supposer qu’il y a eu là une construction, qu’il y a eu des « hommes »… Je croyais avoir tout vu à Neuville. Eh bien non, c’était une illusion. Là-bas, c’était encore de la guerre : on entendait des coups de fusil, des mitrailleuses, mais ici rien que des obus, des obus, rien que cela. Fuis des tranchées que l’on se bouleverse mutuellement, des lambeaux de chair qui volent en l’air, du sang qui éclabousse… Tu vas croire que j’exagère, non. C’est encore en dessous de la vérité. On se demande comment il se peut que l’on laisse se produire de pareilles choses. Je ne devrais peut-être pas décrire ces atrocités, mais il faut qu’on sache, on ignore la vérité trop brutale. Et dire qu’il y a vingt siècles que Jésus-Christ prêchait sur la bonté des hommes ! Qu’il y a des gens qui implorent la bonté divine ! Mais qu’ils se rendent compte de sa puissance et qu’ils la comparent à la puissance d’un 380 boche ou d’un 270 français 1… Pauvres que nous sommes ! P.P.N.
Nous tenons cependant, c’est admirable. Mais ce qui dépasse l’imagination, c’est que les Boches attaquent encore. Il faut avouer que jamais on aura vu une pareille obstination dans le sacrifice inutile : quand par hasard ils gagnent un bout de terrain ils savent ce que ça leur coûte et encore ne le conservent-ils pas souvent.
J’espère aller bientôt vous revoir et on boira encore un beau coup de pinard à la santé de ton poilu qui t’embrasse bien fort. »*En effet, ce courrier fut certainement écrit le 27 avril 1916 au moment où la compagnie de René Pigeard retrouvait l’arrière après plusieurs jours de terribles bombardements près des retranchements R1, R2 (fort de Vaux, près de Verdun). Le 27 avril, la 10e Compagnie se trouve probablement à Belleray au sud de Verdun.
Description
Save description- 48.773256199999985||5.158251199999995||||1
Bar-le-Duc, Meuse
Location(s)
Story location Bar-le-Duc, Meuse
- ID
- 10297 / 164610
- Contributor
- Monsieur Jean-Michel Bru
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- Français
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- Western Front
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