Extrait du journal d’Albert BOUSSAND, les combats du 15 juin 1918.

Edit transcription:
...
Transcription saved
Enhance your transcribing experience by using full-screen mode

Transcription

You have to be logged in to transcribe. Please login or register and click the pencil-button again

 page de gauche 

-108-

-15 juin-

A 2 heure du matin l'ennemi nous bombarde

soudainement, par obus à gaz, à fumée, percutants

perforants et fusants. Dès les premiers coups de

canon 3 ou 4 obus viennent s'écraser à quelques

mètres de notre baraque qui heureusement se

trouve dans une sorte de cuvette. Immédiatement

sur l'ordre du Lieutenant Sévérac nous nous

portons en première ligne où comme on dit çà

tombe drû comme grêle. Le bombardement

fait rage et l'on n'entend que sifflements et éclate-

ments d'obus, chute de sapins. De toutes part ce

sont des éclairs ; des fusées rouges et vertes qui mon-

tent vers le ciel comme dans un appel désespéré.

Nous étouffons dans nos masques et cependant l'orage

autrichien continue de plus belle faisant courber

la tête aux plus courageux, parfois plus que la tête.

Il détruit tout ou plutôt il doit tout détruire

car on ne voit absolument rien. De temps à

autre on est secoué violemment par le déplace-

ment d'air d'un obus un peu trop rapproché,

d'autres fois on a que le temps de faire un bond

de côté afin de ne pas être écrasé par la chute de

 page de droite 

-109-

quelque sapin décapité ou d'un rocher fracassé.

Dès que l'on veut ôter son masque l'odeur

acre de la poudre mêlée aux gaz asphixiants prend

à la gorge et au nez et oblige à remettre le masque

en place. A 3 heure deux de mes camarades

sont touchés par les schrapnells d'un fusant. Ce

sont Cosnier, tué sur le coup et Mafran blessé

mortellement. Des camarades apportent celui-ci

près de moi dans une petite cahute, il est affreu-

sement pâle mais il n'a pas perdu connaissance.

A la lueur d'une bougie nous procédons au

premiers soins. De ses grands yeux bleus, le beau

gars du Nord, hier encore si gai me regarde

avec une tristesse infinie en me montrant

ses jambes déchiquetées et sa poitrine trouée...

En ce moment il n'y a plus de gaz et bombar-

dement a ralenti un peu, nous en profitons pour

enlever nos masques. Le blessé me demande à

boire et je lui donne un peu d'eau qui se

trouve là par hasard. A 4 heure on apporte le

Caporal Coufranc qui est gravement blessé. Aidé

par mon camarade Marin je lui fais son

pansement sans grand espoir car il a l'épaule fraca-

ssée et une partie du cou déchiqueté. A ce moment

Transcription saved

 page de gauche 

-108-

-15 juin-

A 2 heure du matin l'ennemi nous bombarde

soudainement, par obus à gaz, à fumée, percutants

perforants et fusants. Dès les premiers coups de

canon 3 ou 4 obus viennent s'écraser à quelques

mètres de notre baraque qui heureusement se

trouve dans une sorte de cuvette. Immédiatement

sur l'ordre du Lieutenant Sévérac nous nous

portons en première ligne où comme on dit çà

tombe drû comme grêle. Le bombardement

fait rage et l'on n'entend que sifflements et éclate-

ments d'obus, chute de sapins. De toutes part ce

sont des éclairs ; des fusées rouges et vertes qui mon-

tent vers le ciel comme dans un appel désespéré.

Nous étouffons dans nos masques et cependant l'orage

autrichien continue de plus belle faisant courber

la tête aux plus courageux, parfois plus que la tête.

Il détruit tout ou plutôt il doit tout détruire

car on ne voit absolument rien. De temps à

autre on est secoué violemment par le déplace-

ment d'air d'un obus un peu trop rapproché,

d'autres fois on a que le temps de faire un bond

de côté afin de ne pas être écrasé par la chute de

 page de droite 

-109-

quelque sapin décapité ou d'un rocher fracassé.

Dès que l'on veut ôter son masque l'odeur

acre de la poudre mêlée aux gaz asphixiants prend

à la gorge et au nez et oblige à remettre le masque

en place. A 3 heure deux de mes camarades

sont touchés par les schrapnells d'un fusant. Ce

sont Cosnier, tué sur le coup et Mafran blessé

mortellement. Des camarades apportent celui-ci

près de moi dans une petite cahute, il est affreu-

sement pâle mais il n'a pas perdu connaissance.

A la lueur d'une bougie nous procédons au

premiers soins. De ses grands yeux bleus, le beau

gars du Nord, hier encore si gai me regarde

avec une tristesse infinie en me montrant

ses jambes déchiquetées et sa poitrine trouée...

En ce moment il n'y a plus de gaz et bombar-

dement a ralenti un peu, nous en profitons pour

enlever nos masques. Le blessé me demande à

boire et je lui donne un peu d'eau qui se

trouve là par hasard. A 4 heure on apporte le

Caporal Coufranc qui est gravement blessé. Aidé

par mon camarade Marin je lui fais son

pansement sans grand espoir car il a l'épaule fraca-

ssée et une partie du cou déchiqueté. A ce moment


Transcription history
  • October 29, 2018 10:56:30 Sara Fresi

     page de gauche 

    -108-

    -15 juin-

    A 2 heure du matin l'ennemi nous bombarde

    soudainement, par obus à gaz, à fumée, percutants

    perforants et fusants. Dès les premiers coups de

    canon 3 ou 4 obus viennent s'écraser à quelques

    mètres de notre baraque qui heureusement se

    trouve dans une sorte de cuvette. Immédiatement

    sur l'ordre du Lieutenant Sévérac nous nous

    portons en première ligne où comme on dit çà

    tombe drû comme grêle. Le bombardement

    fait rage et l'on n'entend que sifflements et éclate-

    ments d'obus, chute de sapins. De toutes part ce

    sont des éclairs ; des fusées rouges et vertes qui mon-

    tent vers le ciel comme dans un appel désespéré.

    Nous étouffons dans nos masques et cependant l'orage

    autrichien continue de plus belle faisant courber

    la tête aux plus courageux, parfois plus que la tête.

    Il détruit tout ou plutôt il doit tout détruire

    car on ne voit absolument rien. De temps à

    autre on est secoué violemment par le déplace-

    ment d'air d'un obus un peu trop rapproché,

    d'autres fois on a que le temps de faire un bond

    de côté afin de ne pas être écrasé par la chute de

     page de droite 

    -109-

    quelque sapin décapité ou d'un rocher fracassé.

    Dès que l'on veut ôter son masque l'odeur

    acre de la poudre mêlée aux gaz asphixiants prend

    à la gorge et au nez et oblige à remettre le masque

    en place. A 3 heure deux de mes camarades

    sont touchés par les schrapnells d'un fusant. Ce

    sont Cosnier, tué sur le coup et Mafran blessé

    mortellement. Des camarades apportent celui-ci

    près de moi dans une petite cahute, il est affreu-

    sement pâle mais il n'a pas perdu connaissance.

    A la lueur d'une bougie nous procédons au

    premiers soins. De ses grands yeux bleus, le beau

    gars du Nord, hier encore si gai me regarde

    avec une tristesse infinie en me montrant

    ses jambes déchiquetées et sa poitrine trouée...

    En ce moment il n'y a plus de gaz et bombar-

    dement a ralenti un peu, nous en profitons pour

    enlever nos masques. Le blessé me demande à

    boire et je lui donne un peu d'eau qui se

    trouve là par hasard. A 4 heure on apporte le

    Caporal Coufranc qui est gravement blessé. Aidé

    par mon camarade Marin je lui fais son

    pansement sans grand espoir car il a l'épaule fraca-

    ssée et une partie du cou déchiqueté. A ce moment

  • October 29, 2018 10:56:22 Sara Fresi
  • June 1, 2017 12:13:14 Adelaide

     page de gauche 

    -108-

    -15 juin-

    A 2 heure du matin l'ennemi nous bombarde

    soudainement, par obus à gaz, à fumée, percutants

    perforants et fusants. Dès les premiers coups de

    canon 3 ou 4 obus viennent s'écraser à quelques

    mètres de notre baraque qui heureusement se

    trouve dans une sorte de cuvette. Immédiatement

    sur l'ordre du Lieutenant Sévérac nous nous

    portons en première ligne où comme on dit çà

    tombe drû comme grêle. Le bombardement

    fait rage et l'on n'entend que sifflements et éclate-

    ments d'obus, chute de sapins. De toutes part ce

    sont des éclairs ; des fusées rouges et vertes qui mon-

    tent vers le ciel comme dans un appel désespéré.

    Nous étouffons dans nos masques et cependant l'orage

    autrichien continue de plus belle faisant courber

    la tête aux plus courageux, parfois plus que la tête.

    Il détruit tout ou plutôt il doit tout détruire

    car on ne voit absolument rien. De temps à

    autre on est secoué violemment par le déplace-

    ment d'air d'un obus un peu trop rapproché,

    d'autres fois on a que le temps de faire un bond

    de côté afin de ne pas être écrasé par la chute de

     page de droite 

    -109-

    quelque sapin décapité ou d'un rocher fracassé.

    Dès que l'on veut ôter son masque l'odeur

    acre de la poudre mêlée aux gaz asphixiants prend

    à la gorge et au nez et oblige à remettre le masque

    en place. A 3 heure deux de mes camarades

    sont touchés par les schrapnells d'un fusant. Ce

    sont Cosnier, tué sur le coup et Mafran blessé

    mortellement. Des camarades apportent celui-ci

    près de moi dans une petite cahute, il est affreu-

    sement pâle mais il n'a pas perdu connaissance.

    A la lueur d'une bougie nous procédons au

    premiers soins. De ses grands yeux bleus, le beau

    gars du Nord, hier encore si gai me regarde

    avec une tristesse infinie en me montrant

    ses jambes déchiquetées et sa poitrine trouée...

    En ce moment il n'y a plus de gaz et bombar-

    dement a ralenti un peu, nous en profitons pour

    enlever nos masques. Le blessé me demande à

    boire et je lui donne un peu d'eau qui se

    trouve là par hasard. A 4 heure on apporte le

    Caporal Coufranc qui est gravement blessé. Aidé

    par mon camarade Marin je lui fais son

    pansement sans grand espoir car il a l'épaule fraca-

    ssée et une partie du cou déchiqueté. A ce moment


Description

Save description
  • 46.259919531314694||4.225325645507837||

    Vauban, Saône-et-Loire

    ||1
Location(s)
  • Story location Vauban, Saône-et-Loire
Login and add location


ID
20275 / 229518
Source
http://europeana1914-1918.eu/...
Contributor
Archives départementales de Saône-et-Loire 1
License
http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/


Login to edit the languages
  • Français

Login to edit the fronts
  • Italian Front

Login to add keywords
  • Remembrance

Login and add links

Notes and questions

Login to leave a note